Source: Challenges
Cet article est issu du n° 713 p.102
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Acheter un bien immobilier, le mettre en location pour compléter sa pension de retraite grâce aux loyers et en même temps valoriser son patrimoine en profitant de la hausse des prix de la pierre sur le long terme : la recette classique fonctionne encore. Mais la route est semée d’embûches, car devenir bailleur ne s’improvise pas. Il faut optimiser le financement, consacrer du temps à la gestion et prendre en compte des locataires qui ne paieraient pas leur loyer. Sans compter la pression fiscale, qui limite la rentabilité, et même l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) pour les contribuables les plus aisés. Voici quelques conseils pour naviguer dans cet environnement complexe.
1. SCPI
Les sociétés civiles de placement immobilier (SCPI) répondent à une partie de ces préoccupations. Il s’agit d’investir dans des parts de placements financiers elles-mêmes investies en immobilier. Elles affichent un rendement moyen brut de 4,18% en 2020. Les SCPI règlent la question du risque, puisque vous êtes indirectement propriétaire de dizaines voire de centaines d’immeubles. « Et elles permettent de bénéficier des rendements de l’immobilier d’entreprise (bureaux, commerces, etc.), plus élevés que ceux de l’immobilier résidentiel, qui plafonne autour de 2% à Paris », rappelle Jonathan Dhiver, fondateur du site MeilleureSCPI. com. Un ticket d’entrée de quelques centaines à quelques milliers d’euros suffit pour démarrer, mais il faut bien entendu envisager un investissement plus conséquent pour compléter efficacement sa pension de retraite.
Il reste possible de financer l’opération à crédit. Dans ce cas, il faut l’anticiper dix à vingt ans avant la retraite pour que, le jour venu, le crédit soit intégralement remboursé. « Lorsqu’on achète à crédit, les revenus des SCPI financent environ les deux tiers des mensualités de remboursement », détaille Jonathan Dhiver. Les revenus des SCPI sont imposés comme des revenus fonciers : ils sont soumis au barème de l’impôt sur le revenu ainsi qu’aux prélèvements sociaux (17,2 %). Ainsi, l’achat de 100000 euros de parts de SCPI permet de dégager environ 370 euros de revenu brut par mois (pour un rendement de l’ordre de 4,4%), soit 195 euros mensuels après fiscalité pour un contribuable imposé dans la tranche marginale à 30 %. « L’idéal est de répartir son investissement sur cinq à dix SCPI différentes pour diversifier son patrimoine à la fois sur les bureaux, les commerces, les hôtels… mais aussi entre l’Ile-de-France et les régions, et même en Europe », ajoute Jonathan Dhiver.
»L’immobilier répond à une logique de diversification et écarte le risque des marchés actions. De plus, les SCPI s’internationalisent et donnent accès à des secteurs et des zones dynamiques. »
2. L’immobilier locatif en direct
Il est également possible d’acheter un bien immobilier à crédit, généralement un studio, et de le louer. Là encore, les loyers perçus sont imposés au taux marginal de l’impôt sur le revenu, auquel s’ajoutent les prélèvements sociaux. Les intérêts du crédit sont déductibles des loyers, ce qui allège un peu la charge pendant la durée de remboursement. Le rendement dans l’ancien se situe, avant fiscalité, entre 3% dans les grandes métropoles et 8% pour de grands appartements en colocation. « Mais les loyers ne constituent qu’une partie de la rentabilité de l’opération, au côté de la valorisation du bien sur le long terme », rappelle Stéphane van Huffel, de Net Investissement. A Bordeaux (+58,7% sur dix ans d’après Meilleurs Agents), Lyon (+56,5%) ou Nantes (+50,7%), la faiblesse des rendements locatifs a été largement compensée ces dernières années par l’explosion des prix.
Une fois à la retraite, il peut être judicieux de revendre ses biens locatifs. Car une fois le crédit intégralement remboursé, la pression fiscale devient trop lourde. « En particulier si vous détenez plusieurs biens, les loyers peuvent vous faire passer dans la tranche marginale supérieure de l’impôt sur le revenu », décrypte Vincent Fournier, de Quintésens. Autrement dit, il s’agit d’utiliser le levier du crédit pour se constituer un patrimoine, puis de le vendre pour replacer le capital sur un contrat d’assurance-vie. Il sera alors possible d’effectuer des rachats au fil de vos besoins, alors que la pierre est par nature un placement peu liquide. Et vous n’aurez plus à vous soucier de la gestion du bien, depuis la recherche d’un locataire jusqu’aux travaux d’entretien.
Pour alléger la pression fiscale, pensez aussi à la location meublée. Le régime du loueur en meublé non professionnel (LMNP) permet en effet de bénéficier d’un abattement de 50 % sur les loyers perçus dans le cadre du régime micro-BIC. « En optant pour le régime réel, l’investisseur peut déduire l’ensemble de ses charges (intérêts d’emprunt, travaux, frais de gestion locative…) et surtout amortir le prix d’achat du bien, ce qui, dans la pratique, revient à éviter l’imposition des revenus, voire à créer un déficit reportable », souligne Stéphane van Huffel. L’opération peut se faire en direct, en achetant un studio, mais aussi dans le cadre d’une résidence avec services (seniors, étudiants).
Incontournable Pinel
Enfin, l’investissement dans un programme neuf dans le cadre du dispositif de défiscalisation Pinel constitue également une bonne solution pour préparer sa retraite. Ce régime permet de bénéficier d’une réduction d’impôt sur le revenu égale à 12% du prix du bien si vous le louez pendant six ans, 18% si vous le louez neuf ans ou 21% dans le cas d’une location pendant douze ans. L’avantage fiscal est réparti sur toute la durée de la location, dans la limite d’un plafond à l’achat de 300000 euros et de 5500 euros le m2, soit une déduction maximale de 63 000 euros sur douze ans. Côté contraintes, il y en a trois : le bien doit être situé dans une zone où le marché immobilier est tendu, le locataire est soumis à des conditions de ressources et le montant du loyer est plafonné.
Soyez vigilant sur le choix du programme : il faut valider l’emplacement et porter une attention particulière à la typologie de l’immeuble. « Mieux vaut éviter les résidences exclusivement détenues par des investisseurs, car elles seront moins bien entretenues que celles habitées par des propriétaires occupants », note Alain Atallah, fondateur du cabinet de gestion de patrimoine Trinity Gestion Privée. Une fois passée la période de défiscalisation, il faudra, là aussi, arbitrer entre vendre le bien (s’il y a une plus-value) et le conserver pour continuer à toucher des loyers, même sans l’avantage fiscal.
Améliorer ses revenus grâce au viager
Bénéficier d’un complément de revenu tout en restant chez soi : le viager constitue une solution crédible pour les retraités n’ayant pas de patrimoine financier. Il s’agit de vendre sa résidence principale en échange d’un petit capital (le bouquet) puis d’une rente viagère. « La formule a du sens pour les personnes sans enfant, qui souhaitent valoriser leur résidence principale pour améliorer leur retraite, décrypte Vincent Fournier, de Quintésens. Mais elle est aussi envisageable lorsque l’on a des enfants, si le patrimoine est exclusivement constitué de la résidence principale. Il sera alors possible de leur faire des donations en numéraire plus rapidement. » Certains profitent par exemple du bouquet pour aider leurs enfants ou leurs petits-enfants à se constituer un apport pour acheter leur propre résidence principale. Côté fiscalité, la rente viagère est soumise à l’impôt sur le revenu, après un abattement dont le montant dépend de l’âge du vendeur le jour de la vente.